Jules Laforgue
1860 – 1887
Le Sanglot de la terre
Poèmes contemporainsdu «Sanglot de la Terre»
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LE VENT D'AUTOMNE
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Qui pleure dans la nuit? C'est l'âpre vent d'automne,Sous les toits dans Paris, en infects galetasOù des agonisants que ne veille personneSe retournant sans fin leurs vieux matelasÉcoutent dans la nuit pleurer le vent d'automne.
Sonne, sonne pour eux, vent d'automne, ton glas!Au plus chaud de mon lit, moi je me pelotonneEt je ferme les yeux, je veux rêver, très-las,Que je suis dans le ciel au haut d'une colonneTout seul, dans un déluge éternel de lilas.
Ah! j'entendrai toujours pleurer ce vent d'automne.Vierge qui doit m'aimer, dis, ne viendras-tu pasM'endormir sur ton sein d'une chanson bouffonnePour m'emporter bien loin dans des pays, là-bas,Où l'on n'entend jamais pleurer le vent d'automne!
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LE VENT D'AUTOMNE(Variante)
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J'écoute dans la nuit rager le vent d'automne,Sous les toits gémissants combien de galetasOù des mourants songeurs que n'assiste personneSe retournant sans fin sur de vieux matelasÉcoutent au dehors rager le vent d'automne.
Sonne, sonne pour eux, vent éternel, ton glas !Au plus chaud de mon lit moi je me pelotonneOui! je ferme les yeux, je veux rêver, si las,Que je suis dans l'azur, au haut d'une colonneSeul, dans un blanc déluge éternel de lilas.
Mais zut! j'entends encor rager ce vent d'automne.Messaline géante, oh! ne viendras-tu pasM'endormir sur tes seins d'un ron-ron monotonePour m'emporter, bien loin, sur des grèves, là-basOù l'on n'entend jamais jamais le vent d'automne.
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