Jules Laforgue
1860 – 1887
Le Sanglot de la terre
Poèmes contemporainsdu «Sanglot de la Terre»
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VEILLÉE D'HIVER
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Tout dort. Je ne dors pas, moi, le coeur de la Terre.Pour regarder au ciel, j'écarte mon rideau,La lune est rouge ainsi qu'un grand coquelicot,Au loin les toits sont blancs comme aux plis d'un suaire.
La lune est rouge ainsi qu'un grand coquelicot...Je songe aux gueux vêtus d'un habit très-sommaireEt qui, sous ces toits blancs que recouvre un suaireN'ont pas ainsi que nous bon feu tiède et lit chaud.
Ô pauvres gueux vêtus d'un habit très-sommaire,Qui n'avez nulle part bon feu tiède et lit chaud,Ne criez pas vers Dieu votre éternel sanglot,Nous sommes sur un bloc qui roule, solitaire.
Ravalez comme moi votre éternel sanglot...Ah! le mien est plus grand; pourtant j'ai dû le taire;La terre vole aux cieux comme un bloc solitaire...– A quoi Dieu rêve-t-il, en ce moment, là-haut? |