Jules Laforgue
1860 - 1887
Le Sanglot de la terre
4° RÉSIGNATIONS INFINIES
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RABÂCHAGES(Sonnet)
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Il doit être minuit. Tout dort. On n'entend rien.Un fiacre dans la rue, – un aboiement de chien,Des ivrognes perdus. – Comme la vie est triste! –
On ne sait rien, et tout dort. – Dire que j'existe!J'existe! Moi– Moi– Moi. J'ai des sens, un cerveau,Je vis! – Pourtant, ma mère est là-bas au tombeau!Je suis, elle n'est plus! C'est vrai, la nuit profondeM'aurait encor sans elle; – elle m'a mis au monde...
Mon Dieu! Tout n'est-il pas un cauchemar trompeur?
Rien qui ne soit sujet d'insondables stupeurs;L'Art, l'Amour, et la Mort, la planète et la vie,Et surtout cette soif de vivre inassouvieMalgré sa déraison! – Oui, tout est étonnant.
Et pourtant qui s'étonne ici-bas? maintenant?On rit, on boit, on joue, on trépigne au théâtre,La Prostitution à son miroir se plâtre,On saute sous le gaz au bal de l'Opéra!D'autres ronflent ou font l'amour, et coetera...
Et penser qu'il faudra que ma Planète crève.
Peut-être tout n'est-il qu'un grand rêve? -Oh! quel rêve!...
Mais, alors, á quoi bon ce vaste cauchemar,Au lieu du noir sans coeur, sans écho, sans regard?
– nuit de la Mi-carême 1881 |