Jules Laforgue
1860 - 1887
Le Sanglot de la terre
3° POEMES DE LA MORTVARIATIONS SUR LA MORT
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[ET J'ERRE DANS PARIS]
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J'ai marché jusqu'au soir par la ville, oh ! Paris,A parfois de ces jours monotones et grisAvec son ciel boueux rayé d'averses finesSes quais vus au travers d'un rideau de bruinesLes lointains de toits noirs par la brume fondueEt ses orgues pleurant dans les quartiers perdus !.................................................tant la vie apesantieComme d'une nausée immense de la vie !-
J'ai marché tout le jour le long des murs lépreuxRemontant lentement des faubourgs ces chancres des citésCoupés de plaques croupissantes......multitude solitude,Où vont des chiens errants et des enfants pieds nusAbrutis de misère, flétris,Entrevoyant sur mon chemin une courPleine d'éclats de verre de quelque pensionnat,Derrière une grille, un comptoir, hôpitaux, bougesEt la morgue, et les cimetières, - les amoureux,et les corbillards emportant qui eut ses passions, ses...et qui n'est plus bon qu'à cacher sous la terre -De pâles débauchés au sang brûlé d'alcool........................................puis le soirQuand la nuit de clous d'or sème son velours noir.A l'heure où l'enfant prie, où !a faim hors des bouges.Jette sur les trottoirs, seins plâtrés, lèvres rouges,Les vendeuses d'amour qui sous le gaz blafardVaguent flaîrant dans l'ombre un amour de hasard,J'ai traversé d'abord les faubourgs populeuxChancres de la cité grouillants de multitudeOù l'hiver, tous les ans, souffle la solitudeEt le grand cimetière aux humbles croix penchées,
De ces jours où sans but, sans joie et sans envieOn erre á travers tout, le coeur las de la vieLa terre rouleTout cela n'a pas de destinée
Là-bas on fait la guerre, les fleuves roulent des morts,Là-bas la peste, la famine (dans l'Inde), là-bas des HottentotsAbrutis contemporains du moderne Paris? |