Jules Laforgue
1860 – 1887
Le Sanglot de la terre
5° SPLEEN
|
|
___________________________________________________________
|
|
[COUCHANT D'ÉTÉ]SOLEIL COUCHANT DE JUIN
――――――
Au Bois
Ah! triste, n'est-ce pas, triste, inutile et sale,Ta besogne, ô Soleil, malgré tes aubes d'or,Malgré tes beaux couchants si douloureux d'essor,Roses d'amour de quelque ardente cathédrale!
Partout, toujours, fouailler les Vices noirs blottis!– Car, depuis que la vie ici-bas est éclose,Ò coeur de Pureté, tu ne fais autre choseQue chasser devant toi des êtres de leurs lits!
À travers nos rideaux tu sonnes tes fanfaresEt les couples poussifs aux yeux bouffis d'amourRéparent leur désordre, en se cachant du jourQui glace les sueurs des voluptés trop rares.
Mais tu ne songes pas que là-bas, ô Soleil,Là-bas, l'autre moitié n'attendait que ta chute,Et rentre en ce moment dans ses fanges de bruteEn prétextant le noir,... l'usage,... le sommeil!
Or, à notre horizon tu n'es pas mort encorePour aller fustiger de rayons ces pourceaux,Que nos millions de lits referment leurs rideauxSur des couples rêvant de ne plus voir l'aurore!
– Ah! triste, triste va, triste, inutile et sale,Ta besogne, ô Soleil!, malgré tes aubes d'or,Malgré tes beaux couchants si douloureux d'essor,Roses d'amour de quelque ardente cathédrale.
30 juin, Luxembourg. |