Jules Laforgue
1860 - 1887
Le Sanglot de la terre
3° POEMES DE LA MORTVARIATIONS SUR LA MORT
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PRIÈRE SUPRÊME
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Regrets des jours bénis, frissons sacrés du doute,Appels à la Justice éternelle, et là hautLes vastes cieux muets qui continuent leur route,Et le morne infini qui reste sans écho!
Ennuis, élans de l'âme exaspérée et lasse,Désespoir de songer le soir, loin des vains bruits,Qu'on ne verra jamais ces frères de l'espaceQui sanglotent vers nous dans le calme des nuits!
Farouche vision du grand jour de la TerreLorsque, les temps venus, le sanglant drame humainAura son dénouement obscur et solitairePerdu dans la splendeur du calme souverain!
Et tandis que tout change, et s'élève, et s'écroule,Insensible aux appels qui jaillissent d'en basLa loi de l'univers tranquille se dérouleVers la Fête lointaine où nous ne serons pas!
Et le renoncement, le refuge suprêmeDe l'atome éphémère au sein de l'océan,La contemplation sans espoir, sans blasphèmeDans l'attente de l'heure où l'on rentre au néant.
Pitié, je n'ai qu'un jour, Immortelle Existence,Ce cri qui peut demain, sans nom, s'évanouir,Laisse-moi le chanter, seul devant ton silenceDans la solennité de minuit et mourir.
1er juin 1880. |