Jules Laforgue
1860 – 1887
Le Sanglot de la terre
Poèmes contemporainsdu «Sanglot de la Terre»
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LITANIES DE MISÈRE
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Frères, Frères, bercez vos rancoeurs infiniesAu rythmique sanglot des douces litanies.
Or tout là-bas, là-bas, d'un fleuve nébuleuxFécondeur de soleils, voyageant aux cieux bleus,
Un lac incandescent tombe et puis s'éparpilleEn vingt blocs qu'il entraîne ainsi qu'une famille.
Et l'un d'eux, après bien des siècles de jours lents,Aux baisers du soleil sent tressaillir ses flancs.
La vie éclôt au fond des mers des premiers âges,Monades, vibrions, polypiers, coquillages.
Puis les ,vastes poissons, reptiles, crustacésRaclant les pins géants de leurs dos cuirassés.
Puis la plainte des bois, la nuit, sous les rafales,Les fauves, les oiseaux, le cri-cri des cigales.
Enfin paraît un jour, grêle, blême d'effroi,L'homme au front vers l'azur, le grand maudit, le roi.
Il voit le mal de tout, sans but! La litanieDes siècles, vers les cieux....
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La femme hurle aux nuits, se tord et mord ses drapsPour pondre des enfants vils, malheureux, ingrats.
La moitié meurt avant un an, dans la misère,Sans compter les mort-nés bons à cacher sous terre.
L'homme, les fleurs, les nids, tout sans trêve travailleCar la vie à chaque heure est une âpre bataille.
Et malheur aux vaincus, aux faibles, aux trop doux,Aux trop bons pour vouloir hurler avec les loups.
La faim, l'amour, l'espoir, [. . . . . . . . .] la maladie,Puis la mort, c'est toujours la même comédie.
Et d'abord les trois quarts crient:«Pas de quoi manger!»Et sont pour l'autre quart un perpétuel danger. |