Charles Cros
1842 -1888
Le Coffret de santal
1879
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CHANSONS PERPÉTUELLES
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La Vie idéale
À May
Une salle avec du feu, des bougies,Des soupers toujours servis, des guitares,Des fleurets, des fleurs, tous les tabacs rares,Où l'on causerait pourtant sans orgies.
Au printemps lilas, roses et muguets,En été jasmins, oeillets et tilleulsRempliraient la nuit du grand parc où, seulsParfois, les rêveurs fuiraient les bruits gais.
Les hommes seraient tous de bonne race,Dompteurs familiers des Muses hautaines,Et les femmes, sans cancans et sans haines,Illumineraient les soirs de leur grâce.
Et l'on songerait, parmi ces parfumsDe bras, d'éventails, de fleurs, de peignoirs,De fins cheveux blonds, de lourds cheveux noirs,Aux pays lointains, aux siècles défunts.
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Nocturne
À Arsène Houssaye
Bois frissonnants, ciel étoilé,Mon bien-aimé s'en est allé,Emportant mon coeur désolé!
Vents, que vos plaintives rumeurs,Que vos chants, rossignols charmeurs,Aillent lui dire que je meurs!
Le premier soir qu'il vint iciMon âme fut à sa merci.De fierté je n'eus plus souci.
Mes regards étaient pleins d'aveux.Il me prit dans ses bras nerveuxEt me baisa près des cheveux.
J'en eus un grand frémissement;Et puis, je ne sais plus commentIl est devenu mon amant.
Et, bien qu'il me fût inconnu,Je l'ai pressé sur mon sein nuQuand dans ma chambre il est venu.
❦
Je lui disais: «Tu m'aimerasAussi longtemps que tu pourras!»Je ne dormais bien qu'en ses bras.
Mais lui, sentant son coeur éteint,S'en est allé l'autre matin,Sans moi, dans un pays lointain.
❦
Puisque je n'ai plus mon ami,Je mourrai dans l'étang, parmiLes fleurs, sous le flot endormi.
Au bruit du feuillage et des eaux,Je dirai ma peine aux oiseauxEt j'écarterai les roseaux.
Sur le bord arrêtée, au ventJe dirai son nom, en rêvantQue là je l'attendis souvent.
Et comme en un linceul doré,Dans mes cheveux défaits, au gréDu flot je m'abandonnerai.
❦
Les bonheurs passés verserontLeur douce lueur sur mon front;Et les joncs verts m'enlaceront.
Et mon sein croira, frémissantSous l'enlacement caressant,Subir l'étreinte de l'absent.
❦
Que mon dernier souffle, emportéDans les parfums du vent d'été,Soit un soupir de volupté!
Qu'il vole, papillon charméPar l'attrait des roses de mai,Sur les lèvres du bien-aimé!
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L'Orgue
À André Gill
Sous un roi d'Allemagne, ancien,Est mort Gottlieb le musicien.On l'a cloué sous les planches.Hou! hou! hou!Le vent souffle dans les branches.
Il est mort pour avoir aiméLa petite Rose-de-Mai.Les filles ne sont pas franches.Hou! hou! hou!Le vent souffle dans les branches.
Elle s'est mariée, un jour,Avec un autre, sans amour.«Repassez les robes blanches!»Hou! hou! hou!Le vent souffle dans les branches.
Quand à l'église ils sont venus,Gottlieb à l'orgue n'était plus,Comme les autres dimanches.Hou! hou! hou!Le vent souffle dans les branches.
Car depuis lors, à minuit noir,Dans la forêt on peut le voirÀ l'époque des pervenches.Hou! hou! hou!Le vent souffle dans les branches.
Son orgue a les pins pour tuyaux.Il fait peur aux petits oiseaux.Morts d'amour ont leurs revanches.Hou! hou! hou!Le vent souffle dans les branches.
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Ronde flamande
À Mademoiselle Mauté de Fleurville
Si j'étais roi de la forêt,Je mettrais une couronneToute d'or; en velours bleuetJ'aurais un trône,
En velours bleu, garni d'argentComme un livre de prière,J'aurais un verre en diamantRempli de bière,
Rempli de bière ou de vin blanc.Je dormirais sur des roses.Dire qu'un roi peut avoir tantDe belles choses.
❦
Dire qu'un roi prend quand il veutLa plus belle fille au mondeDont les yeux sont du plus beau bleu,Et la plus blonde,
Avec des tresses comme en aJusqu'aux genoux, Marguerite.Si j'étais roi, c'est celle-làQue j'aurais vite.
❦
J'irais la prendre à son jardin,Sur l'eau, dans ma barque noire,Mât de nacre et voile en satin.Rames d'ivoire.
Satin blanc, nacre et câbles d'or...Des flûtes, des mandolinesPour bercer la belle qui dortSur des hermines!
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Hermine, agrès d'or et d'argent,Doux concert, barque d'ébène,Couronne et verre en diamant...J'en suis en peine.
Je n'ai que mon coeur de garçon.Marguerite se contenteD'être ma reine en la chansonQue je lui chante.
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Rendez-vous
À J. Keck
Ma belle amie est morte,Et voilà qu'on la porteEn terre, ce matin,En souliers de satin.
Elle dort toute blanche,En robe de dimanche,Dans son cercueil ouvertMalgré le vent d'hiver.
Creuse, fossoyeur, creuseÀ ma belle amoureuseUn tombeau bien profond,Avec ma place au fond.
Avant que la nuit tombeNe ferme pas la tombe;Car elle m'avait ditDe venir cette nuit,
De venir dans sa chambre:«Par ces nuits de décembre,Seule, en mon lit étroit,Sans toi, j'ai toujours froid.»
❦
Mais, par une aube grise,Son frère l'a surpriseNue et sur mes genoux.Il m'a dit: «Battons-nous.
Que je te tue. EnsuiteJe tuerai la petite.»C'est moi qui, m'en gardant,L'ai tué, cependant.
Sa peine fut si forteQu'hier elle en est morte.Mais, comme elle m'a dit,Elle m'attend au lit.
❦
Au lit que tu sais faire,Fossoyeur, dans la terre.Et, dans ce lit étroit,Seule, elle aurait trop froid.
J'irai coucher près d'elle,Comme un amant fidèle,Pendant toute la nuitQui jamais ne finit.
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Roses et MuguetsRonde
Au comte Charles de Montblanc
Dans le vallon qu'arroseL'eau courante, j'allaisUn jour cueillir la rose,La rose et les muguets.
Mon amoureux qui n'oseRien me dire, y passait;Moi je cueillais la rose,La rose et le muguet.
«Oh vilain! oh morose!»Au nez je lui riais,Tout en cueillant la rose,La rose et les muguets.
Sur l'herbe je me poseEn jetant mon bouquet,Mon beau bouquet de rose,De rose et de muguet.
«Dis-moi donc quelque chose!Les oiseaux sont plus gaisGazouillant à la rose,Becquetant les muguets.
N'aye pas peur qu'on glose.Le lézard fait le guetCouché sur une rose,Caché dans le muguet.»
Mais sur ma bouche closeSon baiser me narguait.«Tes lèvres sont de roseEt tes dents de muguet.»
Le méchant! Il est cause(Moi qui tant me moquais!)Que dans l'eau court ma rose,Ma rose et mes muguets.
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La Dame en pierre
À Catulle Mendès
Sur ce couvercle de tombeauElle dort. L'obscur artisteQui l'a sculptée a vu le beauSans rien de triste.
Joignant les mains, les yeux heureuxSous le voile des paupières,Elle a des rêves amoureuxDans ses prières.
Sous les plis lourds du vêtement,La chair apparaît rebelle,N'oubliant pas complètementQu'elle était belle.
Ramenés sur le sein glacéLes bras, en d'étroites manches,Rêvent l'amant qu'ont enlacéLeurs chaînes blanches.
Le lévrier, comme autrefoisAttendant une caresse,Dort blotti contre les pieds froidsDe sa maîtresse.
❦
Tout le passé revit. Je voisLes splendeurs seigneuriales,Les écussons et les pavoisDes grandes salles,
Les hauts plafonds de bois, bordésD'emblématiques sculptures,Les chasses, les tournois brodésSur les tentures.
Dans son fauteuil, sans nul souciDes gens dont la chambre est pleine,À quoi peut donc rêver ainsi,La châtelaine?
Ses yeux où brillent par momentLes fiertés intérieures,Lisent mélancoliquementUn livre d'heures.
❦
Quand une femme rêve ainsiFière de sa beauté rare,C'est quelque drame sans merciQui se prépare.
Peut-être à temps, en pleine fleur,Celle-ci fut mise en terre.Bien qu'implacable, la douleurEn fut austère.
L'amant n'a pas vu se ternir,Au souffle de l'infidèle,La pureté du souvenirQu'il avait d'elle.
La mort n'a pas atteint le beau.La chair perverse est tuée,Mais la forme est, sur un tombeau,Perpétuée.
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Romance
À Philippe Burty
Le bleu matinFait pâlir les étoiles.Dans l'air lointainLa brume a mis ses voiles.C'est l'heure où vont,Au bruit clair des cascades,Danser en rond,Sur le pré, les Dryades.
Matin moqueur,Au dehors tout est rose.Mais dans mon coeurRègne l'ennui morose.Car j'ai parfoisÀ son bras, à cette heure,Couru ce bois.Seule à présent j'y pleure.
Le jour paraît,La brume est déchirée,Et la forêtSe voit pourpre et dorée.Mais, pour raillerLa peine qui m'oppresse,J'entends piaillerLes oiseaux en liesse.
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Transition
À Édouard Manet
Le vent, tiède éclaireur de l'assaut du printemps,Soulève un brouillard vert de bourgeons dans les branches.La pluie et le soleil, le calme et les autans,Les bois noirs sur le ciel, la neige en bandes blanches,Alternent. La nature a comme dix-sept ans,Jeune fille énervée, oscillant sur ses hanches,Riant, pleurant, selon ses caprices flottants.
Pas encor le printemps, mais ce n'est plus l'hiver.Votre âme, ô ma charmante, a ces heures mêlées.Les branches noires sont pleines d'un brouillard vert.Les mots méchants et les paroles désolées,Sur vos lèvres, bouton d'églantine entrouvert,Cessent à mes baisers. Ainsi les gibouléesFondent, et le gazon s'émaille à découvert.
Votre moue est changée en rire à mes baisers,Comme la neige fond, pâle retardataire,Aux triomphants rayons du soleil. Apaisés,Vos yeux, qui me jetaient des regards de panthère,Sont bien doux maintenant. Chère, vous vous taisezComme le vent neigeux et froid vient de se taire.Votre joue et le soir sont tièdes et rosés.
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Destinée
À Leconte de Lisle
Quel est le but de tant d'ennuis?Nous vivons fiévreux, haletants,Sans jouir des fleurs au printemps,Du calme des nuits.
Pourquoi ces pénibles apprêts,Ces labeurs que le doute froidTraverse, où nous trouvons l'effroi?Pour mourir après?
Mais non. L'éternelle beautéEst le flambeau d'attractionVers qui le vivant papillonSe trouve emporté.
Mais souvent le papillon d'orTrouve la mort au clair flambeau,C'est ainsi qu'en plus d'un tombeauLa vérité dort.
Ceux qui suivent retrouvent-ilsCes pensers éteints au berceau?Quel ruisseau redit du ruisseauLes rythmes subtils?
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L'Archet
À Mademoiselle Hjardemaal
Elle avait de beaux cheveux, blondsComme une moisson d'août, si longsQu'ils lui tombaient jusqu'aux talons.
Elle avait une voix étrange,Musicale, de fée ou d'ange,Des yeux verts sous leur noire frange.
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Lui, ne craignait pas de rival,Quand il traversait mont ou val,En l'emportant sur son cheval.
Car, pour tous ceux de la contrée,Altière elle s'était montrée,Jusqu'au jour qu'il l'eut rencontrée.
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L'amour la prit si fort au coeur,Que pour un sourire moqueur,Il lui vint un mal de langueur.
Et dans ses dernières caresses:«Fais un archet avec mes tresses,Pour charmer tes autres maîtresses.»
Puis, dans un long baiser nerveux,Elle mourut. Suivant ses voeux,Il fit l'archet de ses cheveux.
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Comme un aveugle qui marmonne,Sur un violon de CrémoneIl jouait, demandant l'aumône.
Tous avaient d'enivrants frissonsÀ l'écouter. Car dans ces sonsVivaient la morte et ses chansons.
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Le roi, charmé, fit sa fortune.Lui, sut plaire à la reine bruneEt l'enlever au clair de lune.
Mais, chaque fois qu'il y touchaitPour plaire à la reine, l'archetTristement le lui reprochait.
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Au son du funèbre langage,Ils moururent à mi-voyage.Et la morte reprit son gage.
Elle reprit ses cheveux, blondsComme une moisson d'août, si longsQu'ils lui tombaient jusqu'aux talons.
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L'Été
À Laure Bernard
C'est l'été. Le soleil dardeSes rayons intarissablesSur l'étranger qui s'attardeAu milieu des vastes sables.
Comme une liqueur subtileBaignant l'horizon sans borne,L'air qui du sol chaud distilleFait trembloter le roc morne.
Le bois des arbres éclate.Le tigre rayé, l'hyène,Tirant leur langue écarlate,Cherchent de l'eau dans la plaine.
Les éléphants vont en troupe,Broyant sous leurs pieds les haiesEt soulevant de leur croupeLes branchages des futaies.
Il n'est pas de grotte creuseOù la chaleur ne pénètre,Aucune vallée ombreuseOù de l'herbe puisse naître.
Au jardin, sous un toit lisseDe bambou, Sitâ sommeille;Une moue effleure et plisseParfois sa lèvre vermeille.
Sous la gaze, d'or rayée,Où son beau corps s'enveloppe,En s'étirant, l'ennuyéeOuvre ses yeux d'antilope.
Mais elle attend, sous ce voileQui trahit sa beauté nue,Qu'au ciel la première étoileAnnonce la nuit venue.
Déjà le soleil s'inclineEt dans la mer murmuranteVa, derrière la colline,Mirer sa splendeur mourante.
Et la nature brûléeRespire enfin. La nuit bruneRevêt sa robe étoilée,Et, calme, apparaît la lune.
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Chant éthiopien
À Émile Wroblewski
Apportez-moi des fleurs odorantes,Pour me parer, compagnes errantes,Pour te charmer, ô mon bien-aimé.Déjà le vent s'élève embaumé.
Le vent du soir fait flotter vos pagnes.Dans vos cheveux, pourquoi, mes compagnes,Entrelacer ces perles de lait?Mon cou – dit-il – sans perles lui plaît.
Mon cou qu'il prend entre ses bras souplesFrémit d'amour. Nous voyons par couples,Tout près de nous, entre les roseaux,Dans le muguet, jouer les oiseaux.
Le blanc muguet fait des perles blanches.Mon bien-aimé rattache à mes hanchesMon pagne orné de muguet en fleur;Mes dents – dit-il – en ont la pâleur.
Mes blanches dents et mon sein qui cèdeMes longs cheveux, lui seul les possède.Depuis le soir où son oeil m'a lui,Il est à moi; moi je suis à lui.
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Li-taï-pé
À Ernest Cabaner
Mille étés et mille hiversPasseront sur l'univers,Sans que du poète-dieuLi-taï-pé meurent les vers,Dans l'Empire du milieu.
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Sur notre terre exilé,Il contemplait désoléLe ciel, en se souvenantDu beau pays étoiléQu'il habite maintenant.
Il abaissait son pinceau;Et l'on voyait maint oiseauÉcouter, en voletantParmi les fleurs du berceau,Le poète récitant.
Sur le papier jaune et vertDe mouches d'argent couvert,Fins et noirs pleuvaient les traits.Tel, sur la neige, en hiver,Le bois mort dans les forêts.
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Il n'est de soupirs du vent,De clameurs du flot mouvantQui soient si doux que les sonsQue le poète, rêvant,Savait mettre en ses chansons.
Aromatiques senteursDont s'embaument les hauteurs,Thym, muguet, roses, jasmin,Comme en des rêves menteurs,Naissaient sous sa longue main.
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À présent, il est auprèsDe Fo-hi, dans les prés frais,Où les sages s'en vont tous,À l'ombre des grands cyprès,Boire et rire avec les fous.
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Le But
À Henri Ghys
Le long des peupliers je marche, le front nu,Poitrine au vent, les yeux flagellés par la pluie.Je m'avance hagard vers le but inconnu.
Le printemps a des fleurs dont le parfum m'ennuie,L'été promet, l'automne offre ses fruits, d'aspectsIrritants; l'hiver blanc, même, est sali de suie.
Que les corbeaux, trouant mon ventre de leurs becs,Mangent mon foie, où sont tant de colères folles,Que l'air et le soleil blanchissent mes os secs,
Et, surtout, que le vent emporte mes paroles!
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Conclusion
À Maurice Rollinat
J'ai rêvé les amours divins,L'ivresse des bras et des vins,L'or, l'argent, les royaumes vains,
Moi, dix-huit ans, Elle, seize ans.Parmi les sentiers amusantsNous irions sur nos alezans.
Il est loin le temps des aveuxNaïfs, des téméraires voeux!Je n'ai d'argent qu'en mes cheveux.
Les âmes dont j'aurais besoinEt les étoiles sont trop loin.Je vais mourir soûl, dans un coin.
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Lendemain
À Henri Mercier
Avec les fleurs, avec les femmes,Avec l'absinthe, avec le feu,On peut se divertir un peu,Jouer son rôle en quelque drame.
L'absinthe bue un soir d'hiverÉclaire en vert l'âme enfumée,Et les fleurs, sur la bien-aiméeEmbaument devant le feu clair.
Puis les baisers perdent leurs charmes,Ayant duré quelques saisons.Les réciproques trahisonsFont qu'on se quitte un jour, sans larmes.
On brûle lettres et bouquetsEt le feu se met à l'alcôve,Et, si la triste vie est sauve,Restent l'absinthe et ses hoquets.
Les portraits sont mangés des flammes;Les doigts crispés sont tremblotants...On meurt d'avoir dormi longtempsAvec les fleurs, avec les femmes.
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Croquis d'hospitalité
À Démètre Perticari
Des parfums, des fleurs, des schalls, des colliersDans un château vaste.Des amants heureux sur tous les paliers,Gens de haute caste.Des jambons jaunis, séchant sous l'auventDe la cheminée.(On entend dehors la chanson du ventJamais terminée,Légende empruntée à des temps anciensPlaintive ou lascive.)Des chats, doux aux mains, de rudes grands chiens.On fait la lessive.Dans un coin, parmi les arcs, les filets,Les guêtres verdies,Des faisans rouillés, des geais violets,Plumes refroidies.Des poissons luisant bleus sous le fil grisDe la carnassièreDont s'embaumeront casseroles, grils,Vapeurs de soupière.
Et puis, à souper, tout le monde est grisDe vin et de bière.
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Les Quatre saisons
À Coquelin Cadet
I
Au printemps, c'est dans les bois nusQu'un jour nous nous sommes connus.
Les bourgeons poussaient, vapeur verte.L'amour fut une découverte.
Grâce aux lilas, grâce aux muguets,De rêveurs nous devînmes gais.
Sous la glycine et le cytise,Tous deux seuls, que faut-il qu'on dise?
Nous n'aurions rien dit, réséda,Sans ton parfum qui nous aida.
II
En été les lis et les rosesJalousaient ses tons et ses poses,
La nuit, par l'odeur des tilleulsNous nous en sommes allés seuls.
L'odeur de son corps, sur la mousse,Est plus enivrante et plus douce.
En revenant le long des blés,Nous étions tous deux bien troublés.
Comme les blés que le vent frôle,Elle ployait sur mon épaule.
III
L'automne fait les bruits froissésDe nos tumultueux baisers.
Dans l'eau tombent les feuilles sèchesEt, sur ses yeux, les folles mèches.
Voici les pêches, les raisins,J'aime mieux sa joue et ses seins.
Que me fait le soir triste et rouge,Quand sa lèvre boudeuse bouge?
Le vin qui coule des pressoirsEst moins traître que ses yeux noirs.
IV
C'est l'hiver. Le charbon de terreFlambe en ma chambre solitaire.
La neige tombe sur les toits,Blanche! Oh, ses beaux seins blancs et froids!
Même sillage aux cheminéesQu'en ses tresses disséminées.
Au bal, chacun jette, poli,Les mots féroces de l'oubli.
L'eau qui chantait s'est prise en glace.Amour, quel ennui te remplace!
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Chanson de route Arya
Fiers sur nos chevaux, tribu souverainePoussons devant nous les troupeaux bêlants,Les boeufs mugissants. Que chacun emmène,Enlacée à lui de ses beaux bras blancs,L'amoureuse. Car la halte est prochaine.
Partis du pays des hauts pics neigeux,Des vallons mouillés par les sources vives,Nous en emportons les rires, les jeux,Les frais souvenirs, sans chansons plaintives.Aux pays nouveaux nous trouverons mieux.
Esclaves, hâtez la marche endormanteDes troupeaux. L'agneau sait téter alorsQue la brebis court en broutant la menthe.De vos aiguillons piquez les boeufs forts,Les boeufs paresseux que le taon tourmente.
Mais on ralentit l'allure, à traversLes bois; on descend de cheval; et, blanches,Nos filles s'en vont dans les buissons verts,Les cheveux au vent, écartant les branches,Cherchant avec nous des chemins ouverts.
Posant leurs pieds blancs sur les feuilles sèches,Elles font tinter autour de leurs cousEt sur leurs beaux seins, doux comme les pêches,L'or et l'argent fins, sonores bijoux.Ainsi nous marchons dans les forêts fraîches.
Voici l'aube. Allons! Assez de sommeil!N'attendons pas ceux qui sont lents à suivre,Voici que le jour s'est levé vermeil.Nous vaincrons les nains d'ébène ou de cuivreDans les beaux pays chauffés du soleil.
Et les nains, sachant nos coeurs indomptables,Seront conducteurs et graisseurs tremblantsDe nos chariots, nettoyeurs d'étables,Pour garder vos doigts rosés, vos bras blancsFilles de sang pur, aux yeux désirables.
Aux peuples soumis, à terre ployésLes soins du labour et du pâturage,Nous sur les hauteurs et dans les halliersConsultant le vent, les bruits du feuillage,Combattons les loups et les sangliers.
Laissons les troupeaux brouter dans la plaine.Ne tuez jamais les douces brebis,Car nous leur prenons le lait et la laine.La vache offre aussi le lait de ses pis.Réjouissons-nous quand la vache est pleine.
Le lait rend joyeux les roses enfantsQui font oublier la pensée amère.Du lait nous faisons les fromages blancs,Piquants, bons avec le vin et la bière.Ne tuez jamais la vache aux beaux flancs.
Les boeufs mugissants ont la lente allureQui laisse dormir dans les chariotsNos enfants, parmi la chaude fourrure.Respectez les boeufs, aussi les taureauxFécondeurs jaloux, puissants d'encolure.
Le soir nous rentrons de la chasse, fiersDu gibier conquis. Le chevreuil, le lièvre,Le sanglier noir, odorantes chairsEt les tourdes gras, nourris de genièvreRôtissent, fumants, devant les feux clairs.
Les femmes alors nous montrent contentesLa laine et le lin qu'elles ont filés,Pendant que jouaient, à l'ombre des tentes,Les enfants bruyants, aux yeux éveillésSous le buisson roux des boucles flottantes.
Aux repas du soir, avant le repos,Alors que sont cuits les lièvres, les tourdes,Quand la bière d'or mousse dans les pots,Quand le vin vermeil sonne dans les gourdes,On chante les faits des anciens héros.
La lueur des feux, les rayons de luneÉclairent, la nuit, vos souples contours,Filles de sang pur. Ô vous, que chacuneÀ chacun de nous donne ses amours,Et livre son corps blanc, dans la nuit brune.
Il fait mal celui qui, loin des amisSe glisse, oublieux de nos lois hautaines,Sous les chariots où sont endormisNos fils purs, et va, la nuit vers les nainesFilles sans beauté des peuples soumis.
De là, les enfants mêlés, détestables,Serviteurs mauvais de nos enfants purs,Qui, multipliés ainsi que les sablesFeront révolter, dans les jours futurs,Les peuples soumis, nettoyeurs d'étables.
Donc, il faut chasser les instincts troublantsEt laisser entre eux s'unir les esclaves,Graisseurs des moyeux, piqueurs des boeufs lents,Tandis que, le soir, nos filles suavesS'enlacent à nous de leurs beaux bras blancs.
En route, à cheval, tribu souveraine,Héros descendus des hauts pics neigeux;Filles aux pieds blancs que chacun emmène!Nous retrouverons les rires, les jeux,Et l'amour ce soir; la halte est prochaine.
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Le Fleuve
À Monsieur Ernest Legouvé
Ravi des souvenirs clairs de l'eau dont s'abreuveLa terre, j'ai conçu cette chanson du Fleuve.
Derrière l'horizon sans fin, plus loin, plus loinLes montagnes, sur leurs sommets que nul témoinN'a vus, condensent l'eau que le vent leur envoie.D'où le glacier, sans cesse accru, mais qui se broiePar la base et qui fond en rongeant le roc dur.Plus bas, non loin des verts sapins, le rire purDes sources court parmi les mousses iriséesEt sur le sable fin pris aux roches usées.Du ravin de là-bas sort un autre courant,Et mille encore. Ainsi se grossit le torrentQui descend vers la plaine et commence le Fleuve.
Mais l'eau court trop brutale et d'une ardeur trop neuvePour féconder le sol. Sur ces bords déchirés,Aubépines, lavande et thym, genêts dorésTrouvent seuls un abri dans les fentes des pierres.Voici que le torrent heurte en bas les barrièresDe sable et de rochers par lui-même traînés.C'est la plaine. Il s'y perd en chemins détournésQui calment sa fureur. Et quelques petits arbresSuivent l'eau qui bruit sur les grès et les marbres.Ces collines, derniers remous des monts géants,Flots figés du granit coulant en océans,Ces coteaux, maintenant verts, se jaspent de tachesBlanches et rousses qui marchent. Ce sont les vachesOu, plus près, le petit bétail. Le tintementDes clochettes se mêle au murmure endormantDe l'eau.
Les peupliers pointus aiment les rivesPlates. Voici déjà que leurs files passivesEscortent çà et là le Fleuve calme et fort.
Les champs sont possédés par les puissants. Au bordCeux qui n'ont pas l'espoir des moissons vont en fouleAttendre l'imprévu qu'apporte l'eau qui coule:Paillettes d'or, saphirs, diamants et rubis,Que les roches, après tant d'orages subis,Abandonnent du fond de leur masse minée,Sous l'influx caressant de l'eau froide, obstinée.Que de sable lavé, que de rêves promis,Pour qu'un peu d'or, enfin, reste au fond du tamis!Prends ton bâton, chercheur! La ville n'est pas proche,Et d'obliques regards ont pesé ta sacoche.
D'autres, durs au travail sèment en rond les plombsDes grands filets; l'argent frétillant des poissonsGonfle la trame grise, apportant l'odeur fraîcheEt fade qui s'attache aux engins de la pêche.Mais le gain est précaire, et plus d'un écumeurDescend, cadavre enflé, dans le flot endormeur.
Le fleuve emporte tout, d'ailleurs. Car de sa hacheLe bûcheron, tondeur des montagnes, arracheLes sapins des hauteurs, qu'il confie au courant;Et, plus bas, la scierie industrieuse prendCes arbres, et, le Fleuve étant complice encore,Les dépèce, malgré leur révolte sonore.
Puis la plaine avec ses moissons, puis les hameauxD'où viennent s'abreuver, au bord, les animaux:Boeufs, chevaux; tandis qu'en amont, les lavandièresFont claquer leurs battoirs sur le linge et les pierres.Ou bien plongent leurs bras nacrés dans l'eau qui court,Et, montrant leurs pieds nus, le jupon troussé court,Chantent une chanson où le roi les épouse.Chanson, pieds nus, bras blancs, font que ce gars en blouseDistrait, laisse aller seul son cheval fatigué,Fumant, poitrail dans l'eau, par les courbes du gué.
Ces feuillages, en plein courant, couvrent quelqu'îleQu'on voudrait posséder, pour y rêver tranquille.
Puis des collines à carreaux irréguliers,Des petits bois; plus près de l'eau, les peupliersEt les saules. Le Fleuve élargi, moins rapide,S'emplit de nénuphars, de joncs. Dans l'or fluideDu soir, les moucherons valsent.Mais, rapprochés,Maintenant les coteaux s'élèvent. Des rochersInterrompent souvent les cultures en pente.Tout le pays pierreux, où le Fleuve serpenteNourrit, pauvre et moussu, la ronce et le bandit.Le courant étranglé dans les ravins, bonditSur les roches, ou bien dort dans les trous qu'il creuse.
Mais l'eau n'interrompt pas sa course aventureuseMalgré tant de travaux et de sommeils. VoiciLa brèche ouverte sur l'horizon obscurciPar la poussière d'eau. Le lit de pierre plateFinit brusque, et le flot, pesante nappe, éclateEn un rugissement perpétuel. En bas,Les rocs éparpillés comme après des combatsDe titans, brisent l'eau sur leurs arêtes dures.Au loin, tout est mouillé. L'audace des verduresPlantureuses encadre et rompt souvent l'éclatDe la chute écumeuse.
Ici le pays platÉtale encor ses prés, ses moissons. Des rivières,Venant on ne sait d'où, capricieuses, fièresCourent les champs, croyant qu'elles vivront toujoursDans la parure en fleur de leur jeune parcours.Mais le Fleuve vainqueur les arrête au passage,Et fait taire ce rire en son cours vaste et sage.
Aux rives les hameaux se succèdent pareils.
Puis, voici l'industrie aux discordants réveils.Les rossignols, troublés par le bruit et la suieDes usines, s'en vont vers les bois frais qu'essuieLa pluie et qu'au matin parfume le muguet.Le soleil luit toujours; mais l'homme fait le guet.Voilà qu'il a bâti des quais et des écluses;Et les saules cendrés, méfiants de ces ruses,Et les peupliers fiers ne vont pas jusque-là.Ces coteaux profanés, d'où le loup s'en alla,S'incrustent de maisons blanches et de fabriquesQui dressent gravement leurs hauts tuyaux de briques.
Sur le Fleuve tranquille, égayant le tableau,Les jeunes hommes, forts et beaux, qui domptent l'eau,Oublieux, en ramant, de l'intrigue servile,S'en vont, joyeux, avec des femmes.
C'est la ville,La ville immense avec ses cris hospitaliers,L'eau coule entre les quais corrects. Des escaliersMènent aux profondeurs glauques du suicide.À la paroi moussue un gros anneau s'oxide,Pour celui qui se noie inaccessible espoir.
Ligne capricieuse et noire sur le soirVerdâtre, les maisons, les palais en étagesSe constellent. Au port, les ventes, les courtagesSont finis. Le jour baisse, et les chauves-sourisVoltigent lourdement, poussant des petits cris.Ces vieux quais oubliés sur leurs pierres disjointesSupportent des maisons grises aux toits en pointes.Là, sèchent des chiffons que de leurs maigres brasLes femmes pauvres ont rincés. En bas, des rats.
Le flot profond, serré par les piles massivesDu pont, court plus féroce, et les pierres passivesSe laissent émietter par l'eau, tranquillement.On voit s'allumer moins d'astres au firmamentQue de lumières sur les quais et dans les ruesPleines du bruit des voix, des bals gais, parcouruesPar les voitures.Seul, le Fleuve ne rit pasSous les chalands ventrus et lourds. D'ailleurs, en bas,L'égout vomit l'eau noire aux affreuses écumes,Roulant des vieux souliers, des débris de légumes,Des chiens, des chats pourris qu'emmène le courant,Souillure sans effet dans le Fleuve si grandDont la lune, oeil d'argent, paillette la surface.Mais, qu'importe la vie humaine à l'eau qui passe,Les ordures, la foule immense et les bals gais?L'eau ne s'attarde pas à ces choses.Les guésSont rompus, maintenant, en aval de la ville.L'homme a dragué le lit du Fleuve, plus docileDepuis qu'il est si large et si profond.La merAux bateaux goudronnés laisse un parfum amerQui parle des pays lointains où le vent mène.Le Fleuve, insoucieux de l'industrie humaine,Continue à travers la campagne. La nuitS'avance triomphante et constellée, au bruitDes feuilles que l'air frais emperle de rosée.
Puis, au matin, encore une ville poséeDans la plaine, bijou de perle sur veloursVert, dont tous ces coteaux imitent les plis lourds;Des fermes aux grands toits, bas et moussus, tapiesAu bord des prés sans fin où voltigent les pies,Richesses qu'à mi-voix ce paysan pensifÉvalue en fouettant son vieux mulet poussif.
Le Fleuve s'élargit toujours, tant, que les rivesPerdent vers l'horizon leurs lignes fugitives.Les coteaux abaissés, le ciel agité, l'airMurmurant et salé, proclament que la merEst là, terme implacable à la folle équipéeDe l'eau, qui vers le ciel chaud s'était échappée.
La mer demande tout fantasque, et puis, parfoisRefuse les tributs du Fleuve, limon, bois,Cadavres, rocs brisés, qu'aux montagnes lointaines,Aux terres grasses, aux hameaux, aux vastes plaines,Il a volé, voulant rassasier la mer.Et tout s'entasse, obstacle au Fleuve. L'homme fierTrouve ici les débris distincts de chaque année,Aux temps obscurs où sa race n'était pas née.
Tout le pays est gai. De loin le chant des coqsFend la brume. Voici les bassins et les docks,Les cris des cabestans, les barques amarréesD'où mille portefaix enlèvent les denrées,Ballots, tonneaux, métaux en barres, tas de blés.Aux cabarets fumeux, les marins attablésSe menacent, avec des jurons exotiques.On trouve tous les fruits lointains dans les boutiques.
L'eau du Fleuve s'arrête, un peu troublée, avantDe se perdre, innommée, en l'infini mouvant.
C'est comme une bataille en ligne régulière:Escadrons au galop, soulevant la poussière,Les vagues de la mer arrivent à grands bruits,Blanches d'écume, ayant des airs vainqueurs, et puisS'en retournent, efforts que le Fleuve repousseAvec ses petits flots audacieux d'eau douce.La mer fuit, mais emporte et disperse à jamais,Rang par rang, tous ces flots, fils des lointains sommets.
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Muse hautaine. Muse aux yeux clairs, sois bénie!Malgré tes longs dédains, ma chanson est finie;Car tu m'as consolé de tous les bruits railleurs;Tu m'as montré, parmi mes souvenirs meilleurs,Des lueurs pour teinter l'eau qui court et gazouille,L'eau fraîche où, vers le soir, l'hirondelle se mouille.Et j'ai suivi ses flots jusqu'à la grande mer.
Qu'on se lise entre amis ce chant tranquille et fier,Dans les moments de fièvre et dans les jours d'épreuve,Qu'on endorme son coeur aux murmures du Fleuve. |