BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Christine de Pizan

vers 1364 - vers 1431

 

L'Avision de Christine

 

La seconde partie

 

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XV

Encore dit

de sa poissance

 

Que te diroye de mes poissances nen doubtes point que elles passent et precedent toutes les choses mondaines/ et tacertaine que par moy singulierement depuis le commencement du monde a este/ est/ et sera gouverne tout lunivers et fonde sur moy es choses ouvrees par les hommes/ Et non obstant que grans sciences loys escriptes rigles de princes coustumes de terre soient en commun usage/ si te dis ie que ie precelle toutes leurs poissances et plus puis que toutes ensemble Et quil soit voir appert par ce que non obstant ycestes coustumes ou establissemens* souventes fois fais errer meismes ceulz qui y sont les plus scavens et les plus expers et entrer en telz argumens dont les conclusions sont fausses et dampnables/ sicomme ia est prove par ce qui est dit des anciens philosophes

Et pour ce que tu as attribues en ton dit livre de la mutacion de fortune elle estre menerresse des entregiez des seigneuries je te dis que de tous yceulz mouvemens suis le premier motif/ Ne fus ie ce mie qui tres le .ii e. aage fis a nambroth le jeant par presompcion edefier la fort cite et tour de babiloine qui oncques not pareille comme cy apres sera dit/ si le fis errer tant quil decheut de latteinte de sa pensee

Apres ces temps comme ie fusse fort fichee ou cuer du roy de ninyve par moy mettre a effett ne vint il a chief de prendre la ditte fort cite de babiloine/ laquelle sa femme semiramis par moy et mon industrie moyenant son chevalereux courage/ fist encores enforcir et braier de bons fossez et bastides

Item apres ce long temps ne donnay ie cuer a cyrrus de guerroier astiagies son ayol qui a occire lavoit commande/ si me poursuivi tant quil avint a son entente de ce/ et de tout oriant quil conquesta et pour ce que la matere en est belle encore diray de sa conqueste

Comme ie donnasse cuer et hardement a cyrrus demprendre fortes choses ce meismes recite abacuth en sa prophecie. Il prist la ditte cite de babiloine/ la quelle prise fut tant merveillable que ainsi comme dit orose et saint augustin a peine puet il lors estre creu que par vertu humaine fust conquestee ne quen ceste mortel vie edifie et puis prise peust estre/ Car si quil dit elle estoit en bel espace assise de toutes pars/ tres fort en sa dispo*sicion faconnee en quarreure/ la haultece de ses murs estoit .l. coutes et lespesseur autant par quatre fois/ tous les murs estoient de pierre cuite enlaciez par syment et avoit cent portes darain et environnoit .C.iiii.lxxx. estades qui valent .li. miles Cest assavoir .xxv. lieues et demie francoises. Car sicomme raconte orose/ comme cyrrus eust conquis auques tout orient et voulsist subiuguer babiloine laquelle lui restoit/ comme a un des assaulx quil y fist il perdist ou fleuve deuffrates qui cignoit la cite de ses chevaliers cellui quil amoit le plus/ lequel aussi surmontoit tous les autres en valeur et proece il iura que cellui fleuve lequel avoit noye si vaillant chevalier diviseroit en tant de parties que nulle part de lui ne seroit si grant qua une petite femme venist aux genoulx etainsi fu car en .C.iiii.et.lx. ruissiaulx par force dommes en lespace des champs il devisa le fleuve si que le tres noble fleuve qui passoit par dedens la cite oste et soubtrait delle fu subiuguee et prise.