BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Walter Benjamin

1892 - 1940

 

Charles Baudelaire,

Tableaux Parisiens

 

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[28]

LES AVEUGLES

 

Contemple-les, mon âme; ils sont vraiment affreux!

Pareils aux mannequins; vaguement ridicules;

Terribles, singuliers comme les somnambules;

Dardant on ne sait où leurs globes ténébreux.

 

Leurs yeux, d'où la divine étincelle est partie,

Comme s'ils regardaient au loin, restent levés

Au ciel; on ne les voit jamais vers les pavés

Pencher rêveusement leur tête appesantie.

 

Ils traversent ainsi le noir illimité,

Ce frère du silence éternel. O cité!

Pendant qu'autour de nous tu chantes, ris et beugles,

 

Éprise du plaisir jusqu'à l'atrocité,

Vois! je me traîne aussi! mais, plus qu'eux hébété,

Je dis: Que cherchent-ils au Ciel, tous ces aveugles?

 

 

 

[29]

DIE BLINDEN

 

Betrachte sie, mein Herz; sie sind ein Grauen!

Den Gliederpuppen ähnlich; grundlos komisch;

Wie Somnambulen sind sie physiognomisch:

Wohin ergeht nur ihr umwölktes Schauen?

 

Ihr Augenpaar aus dem der Funke wich

Blieb mit fernspähender Geberde

Geöffnet stehn; nie sieht man sie zur Erde

Das Haupt gewendet und versenkt in sich.

 

Sie gehn durchs grenzenloseste Verliess

Den Bruder ewgen Schweigens. O Paris

Wo wir uns vom Gejohl begraben finden

 

Du welches Brunst zur Bestie werden ließ

Sieh her! so schleich auch ich! doch nahm mich dies

Oft Wunder: Was verrät sich Dort den Blinden?