Jules Laforgue
1860 - 1887
Les Complaintes
1885
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COMPLAINTEDU PAUVRE CORPS HUMAIN
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L'homme et sa compagne sont serfsDe corps, tourbillonnants cloaquesAux mailles de harpes de nerfsServes de tout et que détraqueUn fier répertoire d'attaques.
Voyez l'homme, voyez!Si ça n'fait pas pitié!
Propre et correct en ses ressorts,S'assaisonnant de modes vaines,Il s'admire, ce brave corps,Et s'endimanche pour sa peine,Quand il a bien sué la semaine.
Et sa compagne! Allons,Ma bell', nous nous valons.
Faudrait le voir, touchant et nuDans un décor d'oiseaux, de roses;Ses tics réflexes d'ingénu,Ses plis pris de mondaines poses;Bref, sur beau fond vert, sa chlorose.
Voyez l'Homme, voyez!Si ça n'fait pas pitié!
Les Vertus et les VoluptésDétraquant d'un rien sa machine,Il ne vit que pour disputerCe domaine à rentes divinesAux lois de mort qui le taquinent.
Et sa compagne! Allons,Ma bell', nous nous valons.
Il se soutient de mets pleins d'art,Se drogue, se tond, se parfume,Se truffe tant, qu'il meurt trop tard;Et la cuisine se résumeEn mille infections posthumes.
Oh! Ce couple, voyez!Non, ça fait trop pitié.
Mais ce microbe subversifNe compte pas pour la Substance,Dont les déluges corrosifsRenoient vite pour l'InnocenceCes fols germes de conscience.
Nature est sans pitiéPour son petit dernier. |