Jules Laforgue
1860 - 1887
Les Complaintes
1885
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COMPLAINTEDE LORD PIERROT
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Au clair de la lune,Mon ami Pierrot,Filons, en costume,Présider là-haut!Ma cervelle est morte.Que le Christ l'emporte!Béons à la Lune,La bouche en zéro.
Inconscient, descendez en nous par réflexes:Brouillez les cartes, les dictionnaires, les sexes.
Tournons d'abord sur nous-même, comme un fakir!(Agiter le pauvre être, avant de s'en servir.)
J'ai le coeur chaste et vrai comme une bonne lampe;Oui, je suis en taille-douce, comme une estampe.
Vénus, énorme comme le Régent,Déjà se pâme à l'horizon des grèves;Et c'est l'heure, ô gens nés casés, bonnes gens,De s'étourdir en longs trilles de rêves!Corybanthe, aux quatre vents tous les draps!Disloque tes pudeurs, à bas les lignes!En costume blanc, je ferai le cygne,Après nous le Déluge, ô ma Léda!Jusqu'à ce que tournent tes yeux vitreux,Que tu grelottes en rires affreux,Hop! Enlevons sur les horizons fadesLes menuets de nos pantalonnades!Tiens! L'UniversEst à l'envers...
– Tout cela vous honore,Lord Pierrot, mais encore?
– Ah! Qu'une, d'elle-même, un beau soir sût venir,Ne voyant que boire à mes lèvres, ou mourir!
Je serais, savez-vous, la plus noble conquêteQue femme, au plus ravi du Rêve, eût jamais faite!
D'ici-là, qu'il me soit permisDe vivre de vieux compromis.
Où commence, où finit l'humaineOu la divine dignité?Jonglons avec les entités,Pierrot s'agite et Tout le mène!Laissez faire, laissez passer;Laissez passer, et laisser faire;Le semblable, c'est le contraire,
Et l'univers, c'est pas assez!Et je me sens, ayant pour cibleAdopté la vie impossible,De moins en moins localisé!
– Tout cela vous honore,Lord Pierrot, mais encore?
– Il faisait, ah! Si chaud, si sec.Voici qu'il pleut, qu'il pleut, bergères!Les pauvres Vénus bocagèresOnt la roupie à leur nez grec!
– Oh! De moins en moins drôle;Pierrot sait mal son rôle?
– J'ai le coeur triste comme un lampion forain...Bah! J'irai passer la nuit dans le premier train;
Sûr d'aller, ma vie entière,Malheureux comme les pierres. (Bis.) |