Christine de Pizan
vers 1364 - vers 1431
Ditié de Jehanne d'Arc
1429
Texte:Jeanne d'Arc, chronique rimée par Christine de Pisan,éd. Henri Herluison, Orléans, 1865Fac-similé: BNF Gallica
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Ditié de Jehanne d'Arc
Portrait de Jeanne d'Arc, selon une miniature duXVe siècle, musée de Rouen
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1 |
Je, Christine, qui ay plouréUnze ans en abbaye closeOù j'ay toujours puis demeuréQue Charles (c'est estrange chose!),Le filz du roy, se dire l'ose,S'en fouy de Paris, de tire,Par la traïson là encloseOre à prime me prens à rire.
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2 |
À rire bonement de joieMe prens pour le temps, por vernageQui se départ, où je souloieMe tenir tristement en cage;Mais or changeray mon langageDe pleur en chant, quant recouvréAy bon temps. . . . . . . . . . .Bien me part avoir enduré.
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3 |
L'an mil quatre cens vingt et neuf,Reprint à luire li soleilIl ramene le bon temps neufQue on [n'] avoit veu du droit ilPuis longtemps; dont plusieurs en deuilOrent vesqui. J'en suis de ceulx;Mais plus de rien je ne me deuil,Quant ores voy [ce] que je veulx.
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4 |
Si est bien le vers retournéDe grant duel en joie nouvelle,Depuis le temps qu'ay séjournéLà où je suis; et la très belleSaison, que printemps on appelle,La Dieu merci, qu'ay désirée,Où toute rien se renouvelleEt est du sec au vert temps née.
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5 |
C'est que le décote enfantDu roy de France légitime,Qui longtemps a esté souffrantMains grans ennuiz, qui or à primeSe lieva ainsi que vous (?), primeVenant comme roy coronné,En puissance très grande et fineEt d'esprons d'or esperonné.
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6 |
Or fesons feste à nostre roy;Que très-bien soit-il revenu!Resjoïz de son noble arroyAlons trestous, grans et menu,Au devant; nul ne soit tenu,Menant joie le saluer,Louant Dieu, qui l'a maintenu,Criant Noël! en hault huer.
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7 |
Mais or veuil raconter commentDieu a tout ce fait de sa grâce,À qui je pri qu'avisementMe doint que rien je n'y trespasse.Raconté soit en toute place,Car ce est digne de mémoireEt escript, à qui que desplace,En mainte cronique et histoire.
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8 |
Oyez par tout l'univers mondeChose sur toute merveillable;Notez se Dieu, en qui habondeToute grace, est point secourableAu droit enfin. C'est fait notable,Considéré le présent cas;Si soit aux deceüs valableQue fortune a flati à cas.
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9 |
Et note comment esbahirNe se doit nul pour infortune,Se voient à grant tort haïr,Et com vint sus par voie comune.Votez comment toujours n'est uneFortune, qui a nuit à maint;Car Dieu, qui aux torts fait rexune,Ceulx relieve en qui espoir maint.
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10 |
Qui vit doncques chose avenirPlus hors de toute opinion,Qui à noter et souvenirFait bien en toute région,Que France, de qui mentionEn faisoit que jus est ruée,Soit, par divine mission,Du mal en si grant bien muée.
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11 |
Par tel miracle vrayementQue, se la chose n'est notoireEt évident quoy et comment,Il n'est homs qui le peust croire?Chose est bien digne de mémoireQue Dieu, par une vierge tendre,Ait adès voulu (chose est voire)Sur France si grant grace estendre.
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12 |
O! quel honneur à la couronneDe France par divine preuve!Car par les graces qu'il lui donneIl appert comment il l'apreuve,Et que plus foy qu'autre part treuveEn l'estat royal, dont je lixQue oncques (ce n'est pas chose neuve)En foy n'errèrent fleurs de lys.
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13 |
Et tu, Charles roy des François,Septiesme d'icellui hault nom,Qui si grant guerre as eue ainçoisQue bien t'en prensist, se peu non;Mais Dieu grace, or voiz ton renom;Hault eslevé par la Pucelle,Que a soubzmis sous ton penonTes ennemis; chose est nouvelle.
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14 |
En peu de temps, que l'en cuidoitQue ce feust com chose impossibleQue ton pays, qui se perdoit,Reusses jamais: or est visibleMenction, qui que nuisibleT'ait esté, tu l'as recouvré.C'est par la Pucelle sensible,Dieu mercy! qui y a ouvré.
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15 |
Si croy fermement que tel grâceNe te soit de Dieu donnée,Se à toy, en temps et espace,Il n'estoit de lui ordonnéeQuelque grant chose solempnéeÀ terminer et mettre à chief;Et qu'il t'ait donné destinéeD'estre de très grans faiz le chief.
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16 |
Car ung roi de France doit estre,Charles fils de Charles nommé,Qui sur tous rois sera grant maistre;Prophéciez l'ont surnomméLe cerf-volant; et consoméSera par cellui conquéreurMaint fait; Dieu l'a à ce somé,Et enfin doit estre empereur.
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17 |
Tout ce est le prouffit de l'âme.Je prie à Dieu que cellui soies,Et qu'il te doint, sans le grief d'âme,Tant vivre qu'encoures tu voyesTes enfants grans; et toutes joyesPar toy et eulz soient en France;Mais en servant Dieu toutes voies,Ne guerre n'y face oultreuance.
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18 |
Et j'ay espoir que bon seras,Droiturier et amant justiceEt tous [les] autres passeras;Mais que orgueil ton fait ne honnisse;À ton peuple doulz et propiceEt craignant Dieu qui t'a esleuPour son servant, si com premisseEn as; mais que faces ton deu.
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19 |
Et comment pourras-tu jamaisDieu mercier à souffisance,Servir, doubler en tous tes fais,Que de si grant contrarianceT'a mis à paix, et toute FranceRelevée de tel ruyne,Quant sa très grant saint providenceT'a fait de si grant honneur digne?
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20 |
Tu en soyes loué, hault Dieu!À toy gracier tous tenusSommes, que donné temps et lieuAs, où ces biens sont avenus.[A] jointes mains, grans et menus,Graces te rendons, Dieu céleste,Par qui nous sommes parvenusÀ paix, et hors de grant tempeste.
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21 |
Et toy, Pucelle beneurée,N'y dois-tu [mie] estre obliée,Puisque Dieu t'a tant honnourée,Qui as la corde desliée,Qui tenoit France estroit liée.Te pourroit-on assez louerQuant, ceste terre humiliéePar guerre, as fait de paix douer?
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22 |
Tu, Johanne, de bonne heure née,Benoist soit cil qui te créa!Pucelle de Dieu ordonnée,En qui le Saint-Esprit réaSa grant grace; et qui ot et aToute largesse de hault don,N'onc requeste ne te véa:Que te rendront assez guerdon?
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23 |
Que peut-il d'autre estre dit plusNe des grans faiz du temps passez?Moyses, en qui Dieu afflusMist grâces et vertus assez,Il tira sans estre lassezLe peuple Israel hors d'Egipte.Par miracle ainsi repassezNous a de mal, Pucelle eslite.
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24 |
Considérée ta personne,Qui est une joenne pucelleÀ qui Dieu force et povoir donneD'estre le champion, et celleQui donne à France la mamelleDe paix et doulce nourriture,À ruer jus la gent rebelle:Veci bien chose oultre nature.
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25 |
Car se Dieu fist par JosuéDes miracles à si grant somme,Conquérant lieux, et jus ruéY furent maints: il estoit hommeFort et puissant. Mais tout en sommeVeci femme, simple bergière,Plus preux qu'onc homs ne fut à Romme.Quant à Dieu, c'est chose légère;
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26 |
Mais quant à nous, oncques parlerN'oymes de si grant merveille;Car tous les preux au long aler,Qui ont esté, ne s'appareilleLeur proesse à ceste qui veilleÀ bouter horz noz ennemis.Mais ce fait Dieu, qui la conseille,En qui cuer plus que d'omme a mis.
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27 |
De Gédéon en fait grant compte,Qui simple laboureur estoit,Et Dieu le fist (se dit le conte),Combattre, ne nul n'arrestoitContre lui, et tout conquestoit.Mais onc miracle si appertNe fist, quoyqu'il ammonestoit,Com pour ceste fait il appert.
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28 |
Hester, Judith et DelboraQui furent dames de grant pris,Par lesqueles Dieu restauraSon pueple qui fort estoit pris,Et d'autres plusieurs qu'ay apprisQui furent preuses, n'y ot celle;Mais miracles en a porpris [?]Plus a fait par ceste Pucelle.
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29 |
Par miracle fut envoiéeEt divine amonitionDe l'ange de Dieu convoiéeAu roy, pour sa provision.Son fait n'est pas illusion,Car bien a esté esprouvéePar conseil, en conclusion:À l'effect la chose est prouvée;
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30 |
Et bien esté examinée.Et ains que l'en l'ait voulu croire,Devant clers et sages menée,Pour ensercher se chose voireDisoit, ainçois qu'il fust notoireQue Dieu l'eust vers le roy tramise;Mais on a trouvé en histoireQu'à ce faire elle estoit commise.
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31 |
Car Merlin, et Sebile et Bede,Plus de cinq cens a la veïrentEn esperit, et pour remèdeÀ France en leurs escriptz la mirent;Et leurs prophécies en firent,Disans qu'el pourterait bannièreEs guerres françoises; et direntDe son fait toute la manière.
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32 |
Et sa belle vie, par foy!Monstre qu'elle est de Dieu en grâce,Par quoy on adjouste plus foyÀ son fait; car quoy qu'elle face,Toujours a Dieu devant la face,Qu'elle appelle, sert et depryeEn fait, en dit; ne va en placeOn sa dévocion détrie.
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33 |
O! comment lors bien y paruQuant le siége iert à Orléans,Où premier sa force apparu!Onc miracle, si comme je tiens,Ne fut plus cler; car Dieu aux siensAida telement, qu'ennemisNe s'aidèrent plus que mors chiens.Là furent prins ou à mort mis.
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34 |
Hée! quel honneur au fémininSexe! Que [Dieu] l'ayme, il appert.Quant tout ce grant peuple cheninPar qui tout le règne ert désert,Par femme est sours et recouvert,Ce que pas hommes fait n'eüssent,Et les traittres mis à désert;À peine devant ne crussent.
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35 |
Une fillete de seize ans(N'est-ce pas chose fors nature?)À qui armes ne sont pesans,Ains semble que sa norritureY soit, tant y est fort et dure;Et devant elle vont fuyantLes ennemis, ne nul n'y dure.Elle fait ce, mains yeulx voiant.
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36 |
Et d'eulx va France descombrant,En recouvrant chasteaulx et villes,Jamais force ne fu si grant,Soient à cens, soient à miles.Et de nos gens preuz et abilesElle est principal chevetaine.Tel force n'ot Hector, ne Achilles;Mais tout ce fait Dieu qui la menne.
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37 |
Et vous, gens d'armes esprouvez,Qui faites l'exécution,Et bons et loyaulz vous prouvez:Bien faire on en doit mention.Louez en toute nationVous en serez, et sans faillanceParle-en sur toute électionDe vous et de vostre vaillance.
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38 |
Qui vos corps et vie exposez,Pour le droit, en peine si dure,Et contre tous périls osezVous aler mettre à l'avanture.Soiés constans, car je vous jureQu'en aurés gloire ou ciel et los;Car qui se combat pour droitture,Paradis gaingne, dire l'os.
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39 |
Si rabaissez, Anglois, vos cornes,Car jamais n'aurez beau gibierEn France, ne menez vos sornes;Matez estes en l'eschiquier,Vous ne pensiez pas l'autrierOù tant vous monstriez perilleux;Mais n'estiez encour ou sentierOù Dieu abat les orgueilleux.
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40 |
Jà cuidiés France avoir gaingnée,Et qu'elle vous deust demourer.Autrement va, faulse mesgniée!Vous irés ailleurs tabourer,Se ne voulez assavourerLa mort, comme vos compaignons,Que loups porroient bien devourer,Car mors gisent par les sillons.
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41 |
Et sachez que, par elle, AngloisSeront mis jus sans relever,Car Dieu le veult, qui ot les voixDes bons qu'ils ont voulu grever.Le sanc des occis sans leverCrie contre eulz. Dieu ne veult plusLe souffrir; ains les resprouverComme mauvais, il est conclus.
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42 |
En chrestienté et en l'ÉgliseSera par elle mis concorde.Les mescréans dont on deviseEt les hérites de vie ordeDestruira car ainsi l'accordeProphétie qui l'a prédit;Ne point n'aura miséricordeDe li, qui la foy Dieu laidit.
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43 |
Des Sarrasins fera essartEn conquérant la Sainte Terre;Là menra Charles, que Dieu gard!Ains qu'il muire fera tel erre.Cilz est cil qui la doit conquerre:Là doit-elle finer sa vieEt l'un et l'autre gloire acquerre:Là sera la chose assovye.
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44 |
Donc desur tous les preux passez,Ceste doit porter la couronne,Car ses faits jà monstrent assezQue plus prouesse Dieu lui donneQu'à tous ceulz de qui l'en raisonne;Et n'a pas encor tout parfaict.Si croy que Dieu ça jus leur donne (?)Afin que paix soit par son faict.
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45 |
Si est tout le mains qu'affaire aitQue destruire l'Englescherie,Car elle a ailleurs plus haut hait:C'est que la foy ne soit périe.Quant des Anglois, qui que s'en ryeOu pleure, [or] il en est sué;Le temps advenir mocquerieEn sera faict: jus sont rué.
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46 |
Et vous, rebelles ruppieuxQui à eulz vous estes adhers,Ne voiez-vous qu'il vous fust mieulxEstre alez droit que le reversPour devenir aux Anglois serfs?Gardez que plus ne vous aviengne,Car trop avez esté souffers,Et de la fin bien vous soviengne.
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47 |
N'appercevez-vous gent avugle,Que Dieu a ici la main mise?Et qui ne le voit, est bien vugle;Car comment seroit en tel guiseGeste Pucelle ça tramise,Qui tous mors vous fait jus abattre,Ne force avez [mais] qui souffise?Voulez-vous contre Dieu combattre?
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48 |
N'a-elle mené le roy au sacre,Que tenait adès par la main?Plus grant chose oncques devant AcreNe fut faite; car pour certainDes contrediz y ot tout plain;Mais maulgré tous, à grant noblesse,Y fut receu et tout à plainSacré, et là ouy la messe.
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49 |
À très grant triumphe et puissance,Fu Charles couronné à Rains,L'an mil quatre cens, sans doubtance,Et vingt et neuf, tout saulf et sains,Avecques de ses barons mains,Droit ou dix septiesme jourDe juillet, pour plus et pour mains.Et là fu cinq jours à séjour.
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50 |
Avecques lui la Pucellette,En retournant par son païs,Cité, ne chastel, ne villetteNe remaint. Amez ou haysQu'il soi[en]t, ou soient esbaïsOu asseurez, les habitansSe rendent; pou sont envahys,Tant sont sa puissance doubtans!
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51 |
Voir est qu'aucuns de leur folieCuident résister; mais pou vault,Car au derrain, qui que contralie,À Dieu compere le deffault.C'est pour nient; rendre leur faultVeuillent ou non; n'y a si forteRésistance, qui à l'assaultDe la Pucelle ne soit morte;
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52 |
Quoyqu'en ait fait grant assembléeGuidant son retour contredireEt lui courir sus par emblée.Mais plus ni fault confort de mire:Car tous mors et pris tire à tireY ont estez les contrediz,Et envoyés, comme j'oy dire,En enfer ou en paradis.
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53 |
Ne sçai se Paris se tendra,Car encoures n'y sont-ilz mie,Ne se la Pucelle attendra;Mais s'il en fait son ennemie,Je me doubt que dure escremieLui rende, si qu'ailleurs a fait.S'ilz résistent heure, ne demie,Mal ira, je croiy, de son fait.
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54 |
Car ens entrera, qui qu'en groingne:La Pucelle lui a promis.Paris, tu cuides que BourgoigneDefende qu'il ne soit ens mis?Non fera, car ses ennemisPoint ne se fait. Nul n'est puissanceQui l'en gardast, et tu soubmisSeras et ton oultrecuidance.
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55 |
O Paris, très mal conseilléFolz habitans sans confianceAyme-tu mieulz estre essiliéQu'à ton prince faire accordance?Certes, ta grant contrarianceTe destruira, se ne t'avises.Trop mieulz te feust par supplianceRequerir mercy: mal y vises.
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Gens a dedans mauvais, car bonsY a maint, je n'en fais pas doubte;Mais parler n'osent, j'en responsÀ qui moult desplaist et sans doubteQue leur prince ainsi on deboute.Si n'auront pas ceulx deservieLa punition où se bouteParis, où maint perdront la vie.
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Et vous toutes, villes rebelles,Et gens qui avez regniéVostre seigneur, et ceulx et cellesQui pour autre l'avez nié:Or soit après aplaniéPar doulceur, requerant pardon;Car se vous êtes maniéÀ force, à tart vendrez ou don.
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Et que ne soit occision,Charles retarde tant qu'il peut,Ne sur char d'omme incision;Car de sang espandre se deult.Mais au fort, qui rendre ne veultPar bel et doulceur ce qu'est sien,Se par force en effusionDe sang le requerre, il fait bien.
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Hélas! il est si débonnaireQu'à chascun il veult pardonner;Et la Pucelle lui fait faire,Qui ensuit Dieu. Or ordonnerVeuillez vos cueurs et vous donnerComme loyaulz François à lui,Et quand on l'orra sermonnerN'en serés reprins de nulluy.
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Si pry Dieu qu'il mecte en courageÀ vous tous qu'ainsi le fassiez,Afin que le conseil o rageDe ces guerres soit effaciez,Et que vostre vie passiezEn paix sous votre chief greigneur,Si que jamais ne l'effaciezEt que vers vous soit bien seigneur.Amen.
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61 |
Donné ce ditié par Christine,L'an dessusdit mil quatre censEt vingt et neuf, le jour où fineLe mois de juillet. Mais j'entendsQu'aucuns se tendront mal contensDe ce qu'il contient, car qui chièreA embrunche et les yeux pesans,Ne peut regarder la lumière. |