BIBLIOTHECA AUGUSTANA

 

Pierre Sylvain Maréchal

1750 -1803

 

Le jugement dernier

des rois

 

1793

 

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[3]

SCÈNE II.

 

Douze ou quinze Sans-Culottes,

un de chaque nation de l'Europe.

(Ils débarquent.)

 

 

Le Sans-Culotte français.

Voyons si cette île fera notre affaire. C'est la troisième que nous visitons: elle paraît avoir été volcanisée, et l'être encore. Tant mieux! Le globe sera plutót débarrassé de tous les brigands couronnés dont on nous a confié la déportation.

 

L'Anglais.

Il me semble qu'ils seront fort bien ici. La main de la nature s'empressera de ratifier, de sanctionner le jugement porté par les sans-culottes contre les rois, ces scélérats si longtemps privilégiés et impunis.

 

L'Espagnol.

Qu'ils éprouvent ici tous les tourments de l'enfer, auquel ils ne croyaient pas, et qu'ils nous faisaient prêcher par les prêtres, leurs complices, pour nous embêter.

 

[4]

Le Français.

Camarades! Cette île paraît habitée... Remarquez-vous ces pas d'hommes?

 

Le Sarde.

À l'entrée de cette caverne, voilà des fruits tout fraîchement récoltés.

 

Le Français.

Mes amis! Venez, hé! Venez donc; lisez:

Il vaut mieux avoir pour voisin

Un volcan qu'un roi.

 

Plusieurs Sans-Culottes ensemble.

Bravo! Bravo!

 

Le Français. continue de lire.

Liberté . . . . Égalité.

Il y a ici quelque martyr de l'ancien régime. L'heureuse rencontre!

 

L'Anglais.

Oh! Que nous avons bien adressé! Celui qui gémit en ce lieu ne s'attend pas à trouver aujourd'hui des libérateurs.

 

[5]

Le Français.

L'infortuné ne sçait rien: il serait mort, sans apprendre la liberté de son pays.

 

L'Allemand.

Et de toute l'Europe. Il ne doit pas être loin: cherchons-le; allons au-devant de lui.

 

Le Français.

Qu'il me tarde de le rencontrer! C'est sans doute un des nôtres; et, à en juger d'après les saints noms qu'il a tracés sur cette roche, il est digne de la grande Révolution, puisqu'il a su la pressentir à ce bout du monde.